PARIS ROUBAIX (USA)
Paris-Roubaix (USA) est un projet artistique d'Arthur Chiron qui déplace la célèbre course cycliste Paris-Roubaix aux États-Unis, depuis et vers les villes homonymes de Paris, Texas et Roubaix, Dakota du Sud. Le départ aura lieu le 7 avril prochain
"À l’automne 2021, j’ai été invité par La Condition Publique à Roubaix pour une résidence artistique. À ce stade, aucune intention particulière n’était avancée. Mon séjour sur place me permettrait de mieux cerner les enjeux de cette ville dont j’ignore encore tout. Arrivé à destination, je m’efforce six semaines durant, d’appréhender les différentes facettes de la ville. À l’issue de cette période, un projet de sculptures in situ dans la ville (La Jonction Impossible) est engagé. Toutefois, une autre idée — certes plus fantasque — me paraît faire sens en regard du contexte dans lequel j’évolue. Celle-ci s’inspire d’un événement sportif mythique de la ville : le Paris-Roubaix.
Paris est l’une des villes les plus touristiques du monde. Une popularité qui lui confère une trentaine d'homonymes, dont dix-neuf rien qu'aux États-Unis. L’un d’entre-eux se démarque, non pas seulement parce qu’il est le plus grand, mais surtout parce qu’il donne son nom au film de Wim Wenders qui remportera la palme d’or au festival de Cannes en 1984 : Paris, Texas.
Roubaix, qui ne bénéficie pas de cette même aura, recense néanmoins un homonyme aux États-Unis. La ville se forme à la fin du XIXe siècle autour de Pierre Wibaux (1858-1913), fils d’un industriel roubaisien qui préférera tenter sa chance en Amérique plutôt que de reprendre les affaires familiales en France. Ses différentes réussites en affaires l'amènent à acquérir une mine d’extraction d’or dans le Dakota du Sud. La ville construite autour de cette exploitation s’appellera Roubaix, en hommage à celle qui l’a lui-même vu naître.
À partir de ces deux homonymes, s’esquisse la possibilité d’une autre course Paris-Roubaix, dans laquelle il n’est plus tant question de performances sportives que de voyage. Ici, pas d’échappée, de peloton ou de lanterne rouge. D’un point de vue symbolique et logistique, le vélo semble toujours être la monture adaptée. Cependant, il ne s’agit plus ici d’une course, mais d’un voyage en solitaire d’environ 1700 kilomètres à travers le Texas, l’Oklahoma, le Kansas, le Nebraska et le Dakota du Sud.
L'homologue américain du Paris-Roubaix croise de nombreux mythes et récits du pays : La légendaire route 66, le Pony Express ; une voie postale qui reliait le Missouri à la Californie à cheval avant l’arrivée du chemin de fer. Le fantôme de Sal Paradise, double littéraire de Jack Kerouac, sera également présent à quatre reprises pendant le voyage (Wichita, Salina, York et Silver Creek) alors que celui-ci traversait le pays à plusieurs reprises dans le célèbre roman Sur la route. On croisera aussi les décors des films de Wim Wenders, déjà cité ci-dessus en début de voyage, les paysages de la Tornado Alley immortalisés dans le blockbuster catastrophe Twister en 1996, ainsi que les grandes plaines de Danse avec les loups de Kevin Costner et La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, tous les deux tournés dans le Dakota du Sud et dont le dernier situe sa scène finale au Mont Rushmore, à seulement quelques kilomètres de la fin du voyage.
À l’approche de Roubaix, ni supporters, ni portique, ni ruban, ni marquage au sol. Pas de sprint final avant de franchir la ligne d’arrivée. Cette quête du paysage — aussi romantique qu’absurde — dresse le portrait d’une Amérique discrète et méconnue à laquelle ce projet se propose de donner la voix. Une fois le voyage terminé, une nouvelle étape de travail consistera à synthétiser l’expérience vécue en vue d’en transmettre une trace, en gardant en tête l’analogie avec l’histoire du véritable Paris-Roubaix français. Cette restitution sera accueillie à La Condition Publique. Elle s’adressera par essence aux deux populations roubaisiennes, sans négliger pour autant une audience élargie, composée tout à la fois d’amateur·rice·s d’histoire et de géographie, de voyage, de cyclisme et de tout autre sujet que ce périple saura traverser."
Arthur Chiron